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La corrosion des armatures de béton armé est un phénomène complexe et souvent insidieux qui peut compromettre la durabilité et la sécurité des structures en béton armé. Bien que ce problème soit bien connu dans l’industrie de la construction depuis des décennies, la recherche continue de nouvelles solutions pour le prévenir ou le traiter témoigne de la persistance de ce défi technique. En effet, la corrosion des armatures de béton armé peut avoir des conséquences dévastatrices sur la performance à long terme des structures. Dans une optique de prévention et de réparation du béton, est donc crucial de comprendre les causes sous-jacentes de la corrosion des armatures de béton armé, ainsi que des moyens de les prévenir.

Corrosion des armatures de béton armé

L’acier dans le béton sain

Avant d’être placée dans le coffrage, une armature en acier est rouillée, parce qu’elle a d’abord été exposée à l’atmosphère. Lorsque le béton frais est mis en place autour de cet acier, l’eau de gâchage pénètre à travers les pores de la rouille, où elle forme progressivement de la ferrite de calcium hydraté (4.CaO . Fe2O3 . 13H2O). Mais surtout, cette eau réagit avec l’acier métallique et forme sur celui-ci une fine couche d’hydroxydes de fer [Fe(OH)2] et de calcium [Ca(OH)2].

Tous ces produits au voisinage de l’acier donnent à la solution interstitielle du béton un pH élevé, de l’ordre de 13. Il est à noter qu’au contact de la rouille initiale, l’hydratation du ciment est perturbée : il se forme localement une zone de transition, au-delà de laquelle le béton a des caractéristiques plus homogènes.

L’eau de gâchage du béton permet donc de former autour de l’acier des produits, qui le protègent par passivation. Plus exactement, sous la rouille, une armature est recouverte d’une fine couche protectrice de produits blancs, à base de ferrite et d’hydroxyde de calcium.

Une telle protection disparaît si la solution interstitielle a disparu (cas des grandes fissures qui atteignent les armatures) ou ne correspond plus à un béton sain.

Les étapes de la corrosion de armatures

La corrosion du béton avec formation de rouille des armatures dans les bétons comporte deux phases. Dans un première phase (ou stade), les éléments agressifs, tels que le dioxyde de carbone (CO2) ou les chlorures (Cl-), présents dans le milieu environnant, pénètrent dans le béton. C’est le stade d’incubation. La seconde phase est celle dite de propagation qui commence lorsque ces corps agressifs se trouvent à des concentrations assez fortes au niveau des armatures. Elle correspond à la croissance de la rouille, qui peut ensuite faire éclater le béton d’enrobage.

Ainsi, pour décrire la corrosion des aciers dans les bétons, il convient de préciser, d’une part, la pénétration des agents agressifs à travers le béton et, d’autre part, les conditions de dépassivation de ces armatures, puis la vitesse de dissolution du métal et la croissance de la rouille.

Il est à noter que les aciers à haute résistance utilisés pour la précontrainte du béton, peuvent subir une fissuration spécifique, par corrosion sous contrainte. Ce cas n’est pas traité ici.

Mécanisme de la corrosion du béton

Les stades de la corrosion des aciers dans les bétons, induite par des agents tels que les chlorures ou le dioxyde de carbone. L’agent agressif pénètre dans l’enrobage, puis déclenche la formation de rouille.

Celle-ci se développe et peut fissurer l’enrobage.

Dégradation du béton d’enrobage

Le béton qui enrobe une armature être altéré par le milieu environnant, pour des raisons :

  • Physiques : le gel peut le faire éclater, etc ;
  • Mécaniques : le béton peut se fissurer sous l’action d’une charge excessive,
  • Chimiques, notamment à cause de certains corps (gaz ou ions) contenus dans le milieu

D’une façon générale, les constructions en béton armé sont au contact de l’atmosphère, de l’eau (rivière, mer, etc.) ou de sols. Ces milieux sont plus ou moins pollués et contiennent certains corps (gaz ou liquide) qui peuvent entrer dans le béton et modifier les caractéristiques de celui-ci et en particulier la composition chimique de la solution interstitielle.

Les agents agressifs les plus fréquents sont les eaux pures, les chlorures dans l’eau et le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère.

L’eau pure peut lessiver (lixiviation) le béton en dissolvant certains constituants du ciment et augmenter la porosité du béton.

Les sels de chlorures sont très solubles dans l’eau. Les ions ainsi formés dans l’eau et pénètrent avec celle-ci dans le béton (pénétration des chlorures) , soit par humidification d’un béton sec (convection), soit par diffusion, due au fait que la teneur en chlorure est plus forte dans le milieu environnant que dans le béton d’origine (gradient de concentration). Les chlorures venant de l’extérieur restent, en majorité, à l’état dissous dans la solution interstitielle du béton. Mais ils peuvent aussi réagir avec certains constituants du matériau (réaction chimique ou adsorption).

Le dioxyde de carbone (CO2) est sous forme gazeuse dans l’atmosphère. Il peut être dissous par la solution interstitielle du béton, et réagir avec certains composés calciques pour former des carbonates (carbonatation). Il en résulte que le pH de la solution interstitielle du béton altéré par cette carbonatation, est de l’ordre de 9.

La pénétration du dioxyde de carbone dans le béton est un phénomène de diffusion. Elle est rapide lorsque le béton est assez sec. Mais la réaction de carbonatation n’a lieu que s’il reste de la solution interstitielle dans le béton. C’est pourquoi, les conditions les plus favorables à la pénétration du dioxyde de carbone correspondent à une humidité relative moyenne, de l’ordre de 65%.

Conséquences pratiques : Pour ralentir la pénétration des agents agressifs, il faut formuler le béton et le fabriquer, de telle sorte que sa porosité soit faible et que le coefficient de diffusion de ces agents soit faible également.

Amorçage de la corrosion des armatures

La corrosion des armatures commence, lorsque les produits formés à leur surface ne les protègent plus (dépassivation), car ils deviennent plus poreux. Un premier critère d’amorçage de la corrosion correspond donc à la modification de la nature de ces produits. Ce processus passe par des stades intermédiaires qui donnent des produits plus ou moins stables, les  » rouilles vertes « . Un critère, plus opérationnel, correspond à la modification significative le vitesse de dissolution métallique (changement de l’activité de la corrosion). Pour appliquer ce critère, il faut suivre la vitesse de corrosion.

Schéma de la corrosion du béton

Formation des produits de corrosion du fer, dans un béton sain ou  » pollué  » (par des chlorures ou carbonates)

En pratique, le dioxyde de carbone (CO2) déclenche la corrosion des armatures, lorsque le béton au contact de ces aciers est carbonaté et assez humide (même de façon non permanente). Les chlorures qui provoquent une corrosion métallique, sont sous forme d’ions dissous dans le liquide interstitielle ( » chlorures libres « ). Leur teneur critique dépend surtout du pH du béton et de son aération (teneur en oxygène).

Conséquences pratiques : Pour un béton et un milieu environnant donnés, l’amorçage de la corrosion survient plus tard, lorsque l’enrobage de l’acier est plus épais et plus compact.

Développement de la corrosion

Les produits protecteurs, comme l’hydroxyde ferreux Fe(OH)2, la  » rouille verte  » ou la magnétite, restent stables et ont une faible épaisseur. Par contre, les produits qui n’arrêtent pas la corrosion se développent au cours du temps.

Lorsqu’une armature se corrode, elle subit une dissolution plus ou moins localisée, mais de plus elle se recouvre de produits de corrosion (rouille classique de couleur rougeâtre) instables. Dans un béton plutôt poreux et humide, ces produits traversent l’enrobage et finissent par tacher la surface du parement. Dans le cas plus classique, d’un béton relativement sec, les produits de corrosion gonflent en déformant fortement l’enrobage et, sous l’effet d’une pression, finissent par fissurer le béton ou par provoquer des éclatements (épaufrures).

La diminution de section de l’armature et le gonflement simultané de la rouille entraînent une diminution plus ou moins notable de l’adhérence entre l’acier et le béton.

Quels sont les ouvrages concernés par la corrosion des armatures de béton armé ?

1/ Les éléments verticaux et terrasses :

Acrotères, et balcons, dans toutes les atmosphères, éléments verticaux et terrasses, en milieu industriel et maritime. Ce sont bien sûr les éléments les plus sensibles des bâtiments, du fait soit de leur minceur, soit de la difficulté à maintenir des enrobages suffisants.

 2/ Les bâtiments industriels :

Poteaux et dalles. Ces éléments sont en effet soumis assez souvent à des expositions d’agents chimiques. Les poutres sont également des éléments particulièrement sensible des constructions industrielles, car supportant parfois les dalles de plancher. Certaines sont parfois dans des états assez surprenants.

3/ Les parkings :

Poutres et dalles, en milieu maritime ou montagneux. Cela est lié dans les deux cas à la présence des chlorures (provenant respectivement de l’eau de mer et des sels de déverglaçage). Il faut savoir que nombre de dalles sont précontraintes, accroissant ainsi le danger de la corrosion.

4/ Les composants de structures préfabriquées :

Il ne semble pas que des problèmes importants soient à signaler dans cette rubrique, du fait probablement que les bétons sont mieux soignés, et mieux mis en œuvre. Toutefois, les poteaux de lignes électriques par exemple semblent être un objet de préoccupation. Il faut savoir qu’il existe en France un parc immense de poteaux en béton armé (environ 1 pour 2 habitants), dont les plus anciens ont plus de 60 ans.

Il existe également une importante pathologie touchant divers éléments de construction, due à l’utilisation dans les années 60-80 d’accélérateurs de prise à base de chlorures de calcium. Cela concerne des panneaux de façade, des acrotères, jardinières, etc.

5/ Les ponts et ouvrages d’art :

Dans cette catégorie d’ouvrages, il apparaît que les zones les plus sensibles soient les tabliers, les appuis en superstructures, et les équipements de tablier (ou l’influence des sels de déverglaçage est importante).

6/ Les réservoirs (enterrés, au sol, aériens) :

Le principal problème de ces structures est lié aux problèmes de fuites d’eau, qui sont dus soit à la présence de fissures (d’origines diverses : thermiques, mécaniques…) ou de défauts d’enrobages des armatures, notamment si le milieu contient des sels agressifs (chlorures notamment).

Sur les structures existantes souffrant de fissures, ou de fuites diffuses, les réparations consistent à colmater les défauts ou à installer une étanchéité.

7/ Les silos :

Les silos pour le stockage des matériaux granuleux ou poudreux (céréales, ciments,….) sont soumis à de fortes contraintes, notamment pendant les périodes chargement et de déchargement. Ces contraintes induisent des fissures, verticales ou horizontales. Celles-ci peuvent être à l’origine de pénétration d’eau, engendrant une corrosion des armatures.

8/ Les aéroréfrigérants industriels :

Ces structures sont soumises à un environnement sévère (brouillard d’eau sous forme de vapeur ou de gouttelettes entraînées à l’intérieur, soleil, pluie ou gel à l’extérieur) engendrant des contraintes amorçant des fissures. Par ailleurs le fort gradient hydrique est à l’origine d’un transfert de vapeur d’eau pouvant être la source d’altération du béton.

9/ Les cheminées :

Les cheminées (industrielles notamment) sont soumises à un environnement très sévère, acide particulièrement (acide sulfurique et acide chlorhydrique). Le fût souffre donc de phénomènes dus à la neutralisation de l’alcalinité du béton, d’une part, et d’attaque sulfatique d’autre part (par formation de gypse). Cette attaque est parfois très profonde, et souvent irrégulière en fonction de la hauteur.

10/ Les structures portuaires :

Celles situées en bord de mer souffrent de l’agression due aux chlorures. L’intensité de la corrosion du béton est liée à l’agressivité du milieu (zone de marnage, d’éclaboussures, d’embruns). Des défauts d’enrobage ou de qualité du béton sont alors immédiatement mis en évidence.

11/ Les canalisations en béton armé et précontraint :

La plupart sont enterrées, et des ruptures surviennent lorsque la protection du béton n’est plus suffisante (carbonatation, présence de chlorures).

12/ Les monuments historiques :

Il faut également signaler les monuments historiques (églises ou autres ouvrages Perret ou Le Corbusier), ou les bâtiments classés en béton armé, de plus en plus nombreux, qui possèdent leurs contraintes propres, notamment en termes de réparation.

Par ailleurs, les pathologies des bétons, dues à ses propres constituants (alcali-réaction, ettringite différée,.…) sont des cas particuliers, engendrant des désordres divers (fissuration, déformation).

Tout savoir sur la corrosion du béton :


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